Rappel des dispositions légales en matière de sous-location dans les baux commerciaux

Rappel des dispositions légales en matière de sous-location dans les baux commerciaux

Un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 27 juin 2024 vient clarifier à nouveau les critères permettant de distinguer les contrats de sous-location des conventions de mise à disposition d’espaces avec services, dans le cadre de baux commerciaux (Cour de cassation, 3ᵉ chambre civile, 27 juin 2024 – n° 22-22.823).

Selon l'article L145-31 du Code de commerce :

« Sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite. En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l’acte. Lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d’exiger une augmentation correspondante du loyer de la location principale (…) ».

En l’espèce, le bailleur avait consenti à son locataire un bail commercial pour divers locaux à usage commercial. Ce locataire avait par la suite conclu avec des tiers des conventions intitulées « prestations de services et mise à disposition de bureaux ». Considérant qu’il s’agissait en réalité de contrats de sous-location déguisés, le bailleur a assigné son locataire principal, sollicitant une augmentation du loyer en application du troisième alinéa de l’article L145-31 du Code de commerce.

Distinction entre sous-location et mise à disposition d’espaces avec services

La Cour d’appel de Rennes, sur renvoi après cassation, avait initialement qualifié les conventions conclues par le locataire principal de contrats de sous-location, constatant que les entreprises utilisant les bureaux en disposaient de manière exclusive et sans limitation de temps. Elle avait ainsi donné raison au bailleur en ordonnant le réajustement du loyer.

Cependant, la Cour de cassation est venue censurer cette décision, rappelant que la qualification de sous-location n’est pas applicable lorsque le prix payé par les tiers inclut à la fois la mise à disposition des locaux et des prestations de services indissociables. Elle a jugé que ces conventions ne peuvent pas être requalifiées en sous-location si elles prévoient des services spécifiques recherchés par les clients, et non une simple mise à disposition de locaux.

La Cour a ainsi posé le principe que la redevance globale qui rémunère conjointement la mise à disposition d’espaces et des prestations de services distinctes ne saurait permettre au bailleur de demander un réajustement du loyer, contrairement à ce qui est permis dans le cadre d’une sous-location.

Implications pratiques pour les contrats de mise à disposition d’espaces

Cette décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence, qui tend à clarifier la frontière entre la mise à disposition d’espaces avec services et la sous-location pure et simple. Les éléments clés qui distinguent ces deux types de contrats incluent :

  • La durée de jouissance : Une jouissance exclusive et illimitée dans le temps tend à caractériser une sous-location.
  • Les services associés : Lorsque des services complémentaires sont fournis (accueil, entretien, sécurité, équipements), et que la redevance couvre à la fois l’espace et ces services, il s’agit davantage d’une prestation de services qu’une sous-location.

Les précédents jurisprudentiels confirment également cette distinction :

  • Prestation de services indissociables de la mise à disposition : La fourniture de services techniques (ex : matériel de haute technologie, ingénierie) associée à un espace mis à disposition ne constitue pas une sous-location.
  • Mise à disposition temporaire avec services : Des prestations telles que la fourniture d’un orchestre ou d’un DJ pour un événement dans une salle louée ne constituent pas une sous-location mais une prestation de services.
Recommandations pour la rédaction de conventions de mise à disposition d’espaces avec services

Il est essentiel, lors de la rédaction de ce type de convention, de veiller à ce que :

  1. L’activité soit autorisée par le bail commercial principal : La mise à disposition d’espaces avec services doit être expressément prévue dans la clause de destination ou approuvée par un avenant ou une autorisation écrite du bailleur. À défaut, le bailleur pourrait exiger la résiliation du bail pour violation de cette clause.
  2. Les services associés soient réels et détaillés : Afin d’éviter la requalification en sous-location, il est impératif de lister clairement les services fournis (entretien, sécurité, Internet, fourniture de mobilier, etc.). Plus les services sont nombreux et distincts, plus le contrat sera difficile à assimiler à une sous-location.
Conclusion

L’arrêt du 27 juin 2024 rappelle l’importance de distinguer les contrats de mise à disposition d’espaces avec services des sous-locations. La Cour de cassation souligne que la fourniture de services distincts, recherchés par les clients, constitue un élément clé permettant d’éviter la requalification du contrat en sous-location, et donc l’application de l’article L145-31 du Code de commerce concernant le réajustement du loyer.

Il est crucial pour les locataires et les bailleurs de bien comprendre ces distinctions afin de sécuriser juridiquement leurs relations contractuelles et d’éviter d’éventuelles actions en justice pour requalification.

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